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Page:Anatole France - Poésies.djvu/86

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IDYLLES ET LÉGENDES


« Quand, derrière mes pas, une ville naguère,
Brûlant comme un soleil qu’allumait ma vertu,
Faisait des croupes d’or à mes chevaux de guerre,
Je demandais quel nom cette ville avait eu.

« Mes yeux ne voyaient pas la beauté des captives,
Je ne regardais pas où je versais la mort,
Mon oreille était loin des nations plaintives,
Et j’étais seulement la Colère du Sort.

« Mais à l’heure où tes yeux jettent leurs puissants charmes,
Est-il encore un monde et des colères ? non !
Ô vierge, dont les bras sont plus beaux que des armes,
Me connais-tu ? Celui qui t’aime est mon seul nom.

« Voyant ton sein blanchir l’étoffe aux molles trames,
Dont la myrrhe a charmé les plis mystérieux,
Je pleure, ainsi que font les fils des jeunes femmes
Quand un songe mauvais entre dans leurs doux yeux.

« Mon âme, que je sens s’exhaler en tendresse,
Flotte comme une haleine autour de ta beauté :
Me voici devenu faible de ta faiblesse,
Et je puis être atteint dans ta fragilité.