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Page:Anatole France - Sur la pierre blanche.djvu/202

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humaine. Qu’ils se l’avouent ou se le cachent à eux-mêmes, les hommes, pour la plupart, craindraient de vérifier ces révélations augustes et de découvrir le néant de leurs espérances. Ils sont accoutumés à supporter l’idée des mœurs les plus différentes des leurs quand ces mœurs sont plongées dans le passé. Ils se félicitent alors des progrès de la morale. Mais, comme leur morale est réglée en somme sur leurs mœurs ou du moins sur ce qu’ils en laissent voir, ils n’osent s’avouer que la morale, qui jusqu’à eux a changé sans cesse avec les mœurs, changera encore après eux et que les hommes futurs pourront se faire une idée tout autre que la leur de ce qui est permis et de ce qui n’est pas permis. Il leur en coûterait de reconnaître qu’ils n’ont que des vertus transitoires et des dieux caducs. Et, bien que le passé leur montre des droits et des devoirs sans cesse changeants et mouvants, ils se croiraient dupes s’ils prévoyaient que l’humanité