Aller au contenu

Page:Anatole France - Thaïs.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de gâteaux de miel, et mon fils, mon propre fils t’aimera comme ses yeux. Il est beau, mon fils, il est jeune ; il n’a au menton qu’une barbe légère ; sa peau est douce, et c’est, comme on dit, un petit cochon d’Acharné.

Thaïs répondit :

— Je veux bien aller avec toi.

Et, s’étant levée, elle suivit la vieille hors de la ville.

Cette femme, nommée Moeroé, conduisait de pays en pays des filles et des jeunes garçons qu’elle instruisait dans la danse et qu’elle louait ensuite aux riches pour paraître dans les festins.

Devinant que Thaïs deviendrait bientôt la plus belle des femmes, elle lui apprit, à coups de fouet, la musique et la prosodie, et elle flagellait avec des lanières de cuir ces jambes divines, quand elles ne se levaient pas en mesure au son de la cithare. Son fils, avorton décrépit, sans âge et sans sexe, accablait de mauvais traitements cette enfant en qui il poursuivait de sa haine la race entière des femmes. Rival des ballerines, dont il affectait la grâce, il enseignait à Thaïs l’art de feindre, dans les