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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/105

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pantomimes, par l’expression du visage, le geste et l’attitude, tous les sentiments humains et surtout les passions de l’amour. Il lui donnait avec dégoût les conseils d’un maître habile ; mais, jaloux de son élève, il lui griffait les joues, lui pinçait le bras ou la venait piquer par derrière avec un poinçon, à la manière des filles méchantes, dès qu’il s’apercevait trop vivement qu’elle était née pour la volupté des hommes. Grâce à ses leçons, elle devint en peu de temps musicienne, mime et danseuse excellente. La méchanceté de ses maîtres ne la surprenait point et il lui semblait naturel d’être indignement traitée. Elle éprouvait même quelque respect pour cette vieille femme qui savait la musique et buvait du vin grec. Moeroé, s’étant arrêtée à Antioche, loua son élève comme danseuse et comme joueuse de flûte aux riches négociants de la ville qui donnaient des festins. Thaïs dansa et plut. Les plus gros banquiers l’emmenaient, au sortir de table, dans les bosquets de l’Oronte. Elle se donnait à tous, ne sachant pas le prix de l’amour. Mais une nuit qu’elle avait dansé devant les jeunes hommes les plus élégants de la