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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/125

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sument jusqu’aux os ! Prends garde de m’aimer !

Il lui dit :

— Je t’aime, ô Thaïs ! Je t’aime plus que ma vie et plus que moi-même. Pour toi, j’ai quitté mon désert regrettable ; pour toi, mes lèvres, vouées au silence, ont prononcé des paroles profanes ; pour toi, j’ai vu ce que je ne devais pas voir, j’ai entendu ce qu’il m’était interdit d’entendre ; pour toi, mon âme s’est troublée, mon cœur s’est ouvert et des pensées en ont jailli, semblables aux sources vives où boivent les colombes ; pour toi, j’ai marché jour et nuit à travers des sables peuplés de larves et de vampires ; pour toi, j’ai posé mon pied nu sur les vipères et les scorpions ! Oui, je t’aime ! Je t’aime, non point à l’exemple de ces hommes qui, tout enflammés du désir de la chair, viennent à toi comme des loups dévorants ou des taureaux furieux. Tu es chère à ceux-là comme la gazelle au lion. Leurs amours carnassières te dévorent jusqu’à l’âme, ô femme ! Moi, je t’aime en esprit et en vérité, je t’aime en Dieu et pour les siècles des siècles ; ce que j’ai pour toi dans mon sein se nomme ardeur