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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/139

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aussi les ai-je payées très cher. Vois celle-ci, qui a de gros anneaux d’or et qui montre des dents si blanches. Je l’ai enlevée à la femme du proconsul.

Paphnuce eut d’abord la pensée de s’opposer de toutes ses forces à ce que Thaïs allât à ce souper. Mais, résolu d’agir prudemment, il lui demanda quelles personnes elle y rencontrerait.

Elle répondit qu’elle y verrait l’hôte du festin, le vieux Cotta, préfet de la flotte. Nicias et plusieurs autres philosophes avides de disputes, le poète Callicrate, le grand prêtre de Sérapis, des jeunes hommes riches occupés surtout à dresser des chevaux, enfin des femmes dont on ne saurait rien dire et qui n’avaient que l’avantage de la jeunesse. Alors, par une inspiration surnaturelle :

— Va parmi eux, Thaïs, dit le moine. Va ! Mais je ne te quitte pas. J’irai avec toi à ce festin et je me tiendrai sans rien dire à ton côté.

Elle éclata de rire. Et tandis que les deux esclaves noires s’empressaient autour d’elle, elle s’écria :

— Que diront-ils quand ils verront que j’ai pour amant un moine de la Thébaïde ?