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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/224

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les reconnais pas. Hélas ! puisqu’en réalité rien n’est changé autour de moi, c’est moi qui ne suis plus celui que j’étais. Je suis un autre. Le mort, c’était moi ! Qu’est-il devenu, mon Dieu ? Qu’a-t-il emporté ? Que m’a-t-il laissé ? Et qui suis-je ?

Et il s’inquiétait surtout de trouver malgré lui que sa cellule était petite, tandis qu’en la considérant par les yeux de la foi, on devait l’estimer immense, puisque l’infini de Dieu y commençait.

S’étant mis à prier, le front contre terre, il recouvra un peu de joie. Il y avait à peine une heure qu’il était en oraison, quand l’image de Thaïs passa devant ses yeux. Il en rendit grâces à Dieu :

— Jésus ! c’est toi qui me l’envoies. Je reconnais là ton immense bonté : tu veux que je me plaise, m’assure et me rassérène à la vue de celle que je t’ai donnée. Tu présentes à mes yeux son sourire maintenant désarmé, sa grâce désormais innocente, sa beauté dont j’ai arraché l’aiguillon. Pour me flatter, mon Dieu, tu me la montres telle que je l’ai ornée et purifiée à ton intention, comme un ami rappelle en sou-