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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/226

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doutable dans sa douceur, qu’il en cria d’épouvante et se réveilla couvert d’une sueur glacée. Les yeux encore cillés par le sommeil, il sentit un souffle humide et chaud lui passer sur le visage : un petit chacal, les deux pattes posées au chevet du lit, lui soufflait au nez son haleine puante et riait du fond de sa gorge.

Paphnuce en éprouva un immense étonnement et il lui sembla qu’une tour s’abîmait sous ses pieds. Et, en effet, il tombait du haut de sa confiance écroulée. Il fut quelque temps incapable de penser ; puis, ayant recouvré ses esprits, sa méditation ne fit qu’accroître son inquiétude.

— De deux choses l’une, se dit-il, ou bien cette vision, comme les précédentes, vient de Dieu ; elle était bonne et c’est ma perversité naturelle qui l’a gâtée, comme le vin s’aigrit dans une tasse impure. J’ai, par mon indignité, changé l’édification en scandale, ce dont le chacal diabolique a immédiatement tiré un grand avantage. Ou bien cette vision vient, non pas de Dieu, mais, au contraire, du diable, et elle était empestée. Et dans ce cas, je doute à présent si les précédentes avaient, comme je