Page:Anatole France - Thaïs.djvu/237

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idolâtres et dans lequel il avait dormi parmi les scorpions et les sirènes lors de son voyage merveilleux. Les murs couverts de signes magiques étaient debout. Trente fûts gigantesques qui se terminaient en têtes humaines ou en fleurs de lotus soutenaient encore d’énormes poutres de pierre. Seule à l’extrémité du temple, une de ces colonnes avait secoué son faix antique et se dressait libre. Elle avait pour chapiteau la tête d’une femme aux yeux longs, aux joues rondes, qui souriait, portant au front des cornes de vache.

Paphnuce en la voyant reconnut la colonne qui lui avait été montrée dans son rêve et il l’estima haute de trente-deux coudées. S’étant rendu dans le village voisin, il fit faire une échelle de cette hauteur et, quand l’échelle fut appliquée à la colonne, il y monta, s’agenouilla sur le chapiteau et dit au Seigneur :

— Voici donc, mon Dieu, la demeure que tu m’as choisie. Puissé-je y rester en ta grâce jusqu’à l’heure de ma mort.

Il n’avait point pris de vivres, s’en remettant à la Providence divine et comptant que des paysans charitables lui donneraient de quoi