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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/14

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aller aux vues préconçues ou à l’esprit de système qui simplifie tout en négligeant la complexité des choses vivantes. Pour cela, je n’eusse eu qu’à mettre moins de scrupule à saisir les traits souvent encore indécis de mon modèle, à rendre la couleur changeante, l’expression mobile et fugitive de son visage. Pour cela, en un mot, je n’aurais eu qu’à voir un seul côté des choses, et à le mettre en pleine lumière, en laissant tout le reste dans l’ombre ; mon tableau en aurait eu plus de relief et plus d’éclat, mais il eût été moins vrai.

La Russie contemporaine, en effet, est loin d’avoir, dans les mœurs et dans les lois, dans la nation ou dans l’État, l’unité, la simplicité qui la distinguaient encore sous Alexandre Ier ou sous Nicolas. La Russie actuelle, la Russie des réformes, est un pays où tout est en voie de changement, sans que, en aucun domaine, la transformation soit encore achevée. Le dernier souverain, prince loyalement dévoué au bien public, mais soumis à des influences diverses, n’ayant rien de la décision ni de la netteté de vues d’un Pierre le Grand, disposé à s’effrayer de ses propres œuvres, ne sachant exactement ni quelle route suivre ni où s’arrêter, et, par là, presque fatalement voué à devenir la victime de ses nombreuses et incomplètes réformes, Alexandre II, avec toutes ses nobles qualités et ses hautes aspirations, a laissé presque partout, dans les institutions et dans la pratique gouvernementale, la marque de