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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/474

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L’allègement peut sembler minime ; d’ordinaire, c’est environ un septième du taux de rachat acquitté jusqu’en 1882. Si faible que soit cette réduction, elle a fait généralement disparaître la disproportion des redevances entre les anciens paysans des particuliers et les paysans de la couronne. Les 4 ou 5 millions, destinés à venir en aide aux contrées les moins favorisées, ne pouvaient malheureusement suffire à assurer le bien-être des paysans les plus accablés d’impôts. Peut-être eût-il mieux valu réserver pour eux seuls les ressources disponibles, au lieu de les disperser sur tous les villages de la Grande et de la Petite Russie. Malgré les louables efforts du gouvernement et le soulagement réel apporté à leurs souffrances, bien des moujiks plieront encore longtemps sous le poids de la misère et des taxes. Il est à craindre qu’en mainte région les paysans ne sentent retomber sur leurs épaules, d’une autre façon, les charges dont Alexandre III s’est efforcé de les affranchir en diminuant leurs impôts. En bien des cas, par exemple, le boni, laissé aux anciens serfs par la réduction des redevances de rachat, risque d’être absorbé par l’accroissement continu des taxes provinciales et municipales.

Ce qui semble d’abord un paradoxe, l’émancipation a souvent moins modifié l’existence des paysans affranchis que celle de leurs maîtres. Ce sont ces derniers dont l’affranchissement a le plus changé les habitudes, les mœurs, le genre de vie. Pour les propriétaires, en effet, tous les avantages, toutes les commodités du servage ne se pouvaient évaluer en argent. Le servage et la corvée, à part tous leurs petits privilèges, offraient un mode d’exploitation beaucoup plus simple et beaucoup plus aisé que le travail libre. En perdant les bras de leurs serfs, les propriétaires ont dû renoncer à leur indolence traditionnelle ;

    par an, car elle ne s’applique point aux paysans des provinces occidentales dont les redevances ont été réduites, dès 1863, à la suite de l’insurrection polonaise.