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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/523

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s’embarrassant peu du reste. Ils ont rejeté presque tous les sacrements, quelques-uns même, le baptême. Ils avaient gardé des fêtes ou des rites, que la plupart ont depuis abandonnés. Ainsi, par exemple, de la fête de Pâques, laquelle a suscité beaucoup de discussions parmi eux. De même que les molokanes, ils repoussent tout clergé. Au début, ils avaient à la tête de leurs communautés un ancien ou frère aîné, starchii brat, qui présidait à leurs réunions ; aujourd’hui le rôle de ce frère aîné est bien réduit. L’office de la plupart des stundistes se borne au chant de Psaumes ou de cantiques et à la lecture de la Bible. Chacun est libre de prendre la parole et de commenter à sa façon le texte sacré, en sorte que la polémique s’introduit parfois dans leurs assemblées[1]. Une des causes du succès de leur prédication, c’est, semble-t-il, l’emploi dans leur culte de la langue locale, le malorusse. La stunda a fait ses plus rapides conquêtes à l’époque où l’harmonieux provençal russe était le plus sévèrement traité[2].

Le mépris des formes extérieures est, pour le peuple et le clergé, le principal trait du stundisme. Aussi, en certains districts, a-t-on pu exciter contre ces sacrilèges contempteurs de la Vierge et des saints, le fanatisme des masses orthodoxes. Le passage à la stunda se manifeste d’habitude par l’enlèvement des images qui, dans l’izba russe, occupent une place d’honneur. Voici comment procédaient, il y a quelques années, les convertis d’un village du gouvernement de Kief. Ils décrochèrent leurs images et allèrent en commun les porter au pope, lui disant qu’ils n’en avaient plus besoin, parce qu’elles ne leur servaient à rien. Quelquefois, semble-t-il, c’est moins les scrupules religieux que l’esprit de calcul et d’économie qui inspirent ces nouveaux iconoclastes. Ce n’est pas toujours comme des pratiques impies et idolâtriques, c’est aussi comme une dépense inutile que ces paysans paraissent repousser les

  1. Kievskaïa Starina, avril 1882.
  2. Voyez tome Ier, livre II, chap. iv.