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Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/20

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que de ses formes nous fait remonter tout à fait aux origines de la langue d’oc. La métrique, quoiqu’il ne s’agisse pas d’une poésie lyrique mais d’un poème épique et narratif, est déjà d’une facture remarquable. C’est de la poésie savante, n’en doutons pas. Mais la langue qui, vers l’an mille (et même peut-être avant, car on discute encore sur ce point), la langue qui était apte à la poésie savante était-elle incapable de servir à l’expression de simples sentiments populaires ? Est-ce que les clercs, à qui nous devons sans doute les deux poèmes que nous venons de citer, n’auraient pas, dans le cas contraire, employé leur langue habituelle, le latin, pour louer le caractère de Boèce ou pour chanter les miracles de sainte Foy ? Il est de toute vraisemblance que s’ils se sont servis de l’idiome vulgaire et s’ils ont pu en composer, sans trop de maladresse dans les deux cas, un assez long poème, c’est qu’il existait autour d’eux une langue et une poésie toutes formées.

Redescendons de près d’un siècle et examinons les premières poésies du premier troubadour connu, Guillaume de Poitiers. Elles sont des environs de l’an 1100. Nous trouvons ici une langue poétique capable d’exprimer les sentiments les plus élevés et les plus délicats (joints, il est vrai, aux sentiments les plus vulgaires et même les plus grossiers). Nous remarquons surtout une technique déjà merveilleuse. Il existe des règles poétiques, il y a des conventions, des lois, toutes choses qui caractérisent ce qu’on est convenu d’appeler l’art. Cet art le comte