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Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/21

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de Poitiers ne l’a pas inventé ; il en a trouvé certaines règles établies ; il existait une tradition. C’est pendant le xie siècle que cette tradition s’est sinon formée, au moins développée. Entre les poèmes narratifs du début et les poésies de Guillaume de Poitiers la langue s’est assouplie, la poésie populaire s’est développée, elle a grandi, pendant le xie siècle, et elle nous apparaît transformée avec le premier troubadour, très élégante déjà, très belle et ne sentant ses origines que par sa jeunesse et par sa fraîcheur.

C’est donc dans le xie siècle qu’il faut placer la période la plus ancienne de la poésie des troubadours, celle que nous ne connaissons pas, mais que nous pouvons reconstituer par hypothèse, et en nous aidant aussi, comme on l’a fait, de certains refrains qui nous ont été conservés. Un texte célèbre nous prouve que les premiers troubadours avaient peut-être eu conscience des origines de leur art. Il nous est dit que le troubadour gascon Cercamon, qui a vécu dans la première moitié du xiie siècle, avait composé des pastourelles à la « manière antique ». Malheureusement l’auteur de la biographie des troubadours qui nous donne ce détail a vécu au xiiie siècle et c’est peut-être à son point de vue qu’il se plaçait quand il parle de la « manière antique ». De sorte que le renseignement n’a peut-être pas toute la valeur qu’on a voulu lui attribuer. Mais même si on ne fait pas état de ce texte, les vraisemblances sont infiniment nombreuses en faveur de l’hypothèse que nous venons d’exposer.