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Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/60

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Cercamon. Un troubadour plus récent, Uc de Saint-Cyr, apprenait beaucoup auprès des autres poètes, mais il faisait part volontiers à ses confrères de ses connaissances poétiques. Il s’était ainsi formé de bonne heure une sorte de code poétique, auquel les troubadours font de nombreuses allusions ; ils le connaissaient par tradition, nous ne le connaissons plus, et encore incomplètement, que par des recueils didactiques de la période de décadence.

Quelle que soit l’école où ils se sont formés, les troubadours se distinguent par un souci extrême de la forme. Les métaphores abondent, chez eux, pour marquer ce travail délicat qui consiste à couvrir la pensée d’une parure élégante. L’expression classique de limer, polir revient souvent. L’un se vante de savoir bien « bâtir » ou « forger » une chanson ; l’autre de savoir l’ « orner » et l’ « affiner ». Il n’est pas rare qu’un troubadour confiant ses chants à un jongleur le prie de n’y rien changer, tellement il a conscience d’avoir fait œuvre parfaite. Ce souci de la forme est extrême chez les troubadours ; il devint bientôt excessif ; mais ils lui doivent d’avoir pu faire sur des « pensers » déjà antiques de jolis vers nouveaux.

Tout en leur reprochant ce culte presque exclusif de la forme, sachons-leur gré de l’avoir ainsi mise en honneur. Ce souci d’art est de tradition dans les littératures néo-latines. Elles ont plus d’une fois racheté par ce côté ce qui leur manquait en profondeur. Cette tradition remonte loin ; si les troubadours ne l’ont pas créée, ils étaient dignes de le faire.