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Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/62

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dours le représentant le plus éminent de ce genre, Arnaut Daniel. « C’est un grand maître en poésie, dit Pétrarque, et qui fait encore honneur à sa patrie par son style orné et poli[1]. » Ces deux grands poètes italiens eux-mêmes ont subi l’influence des troubadours de cette école ; mais leur génie les a préservés des excès. Il n’en fut pas de même dans la littérature provençale où ce genre produisit bon nombre de pièces obscures et énigmatiques, pour la plus grande joie des connaisseurs anciens et pour le désespoir des connaisseurs modernes. Il y eut d’ailleurs de bonne heure une réaction, et même tous les troubadours de la bonne époque n’ont pas admis cette conception[2].

La musique est une partie importante de l’art des troubadours. Il nous est dit de plus d’un qu’il trouvait non de belles pensées, mais de beaux « sons », c’est-à-dire de belles mélodies. Plusieurs manuscrits des troubadours, plusieurs « chansonniers », comme on les appelle, nous font connaître cette musique. Seulement on dirait qu’il y manque l’âme. Nous sommes très mauvais juges de ce qui en faisait l’originalité. Son secret paraît à jamais perdu. Chantée de nos jours elle paraît monotone, comme un plain-chant vieilli. Par quels mouvements, par quelles modulations, les troubadours et surtout les jongleurs, en relevaient-ils la monotonie ? C’est ce que nous ne saurons sans doute jamais[3].

Le chant et la musique étaient proprement du domaine du jongleur. S’il y avait eu une démarcation

  1. Pétrarque, Trionfo d’amore.
  2. Cf. Gaston Paris, Esquisse historique de la littérature française au Moyen âge, p. 159 : « ce sont les troubadours de cette école [du trobar clus] qui, malgré leurs défauts et indirectement, ont créé le style moderne ».
  3. Sur la musique cf. un excellent article de M. A. Restori, dans la Rivista musicale italiana, vol. II, fasc. 1, 1805. Voir surtout la récente publication de M. J.-B. Beck, Die Melodien der Troubadours, Strasbourg, 1908.

    Cf. encore A. Jeanroy, Dejeanne, P. Aubry : Quatre poésies de Marcabrun, troubadour gascon du xiie siècle, texte, musique et traduction, Paris, 1904.

    Les troubadours dont il nous reste le plus d’airs notés sont les suivants : Bernard de Ventadour, Folquet de Marseille, Gaucelm Faidit, Guiraut Riquier, Peire Vidal, Raimon de Miraval. Le plus grand nombre de ces mélodies (les deux tiers) se trouvent dans le manuscrit R (Bibl. nat., f. fr., 22 543).