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Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/69

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d’un seigneur orgueilleux et avare, se souvenant que le poète est de race irritable, devenait libéral par crainte des médisances ou du ridicule. C’est l’ensemble des diverses poésies de ce genre que l’on appelle du nom général de sirventés.

Le genre comprend d’ailleurs d’autres subdivisions. On y range par exemple les chants de croisade, dans lesquels les troubadours excitent les chefs de la chrétienté, grands ou petits, à concourir à la délivrance de la Terre Sainte. Ils le font souvent avec éloquence ; et si l’on songe que ces poésies étaient colportées par les jongleurs ou les troubadours eux-mêmes d’une cour à l’autre, on juge de l’effet que pouvaient avoir des exhortations de ce genre sur des volontés hésitantes.

On fait entrer également dans ce genre les plaintes (planh) sorte de chant funèbre composé par le troubadour à la mémoire de son protecteur. L’élément conventionnel n’en est pas absent, mais il règne souvent dans certaines de ces poésies une sincérité et une émotion que l’on ne trouve pas toujours dans d’autres compositions.

Tout autre est le genre de la tenson[1]. Par son étymologie le mot indique une discussion. C’est une sorte de discussion poétique sur une question quelconque, peut-on dire. L’origine n’en est sans doute pas tout à fait populaire ; il faut la chercher peut être dans la coutume qui consiste à organiser un concours de poésie sur un thème donné. Ce genre, qui paraît connu des plus anciens troubadours,

  1. Cf. Jeanroy, Origines…, p. 45 et suiv. De la tenson on distingue le jeu-parti (prov. partimen) qui est une variété du genre » et où les interlocuteurs choisissent entre deux propositions contraires ; nous employons le mot de tenson qui est le terme le plus général.

    Sur la question de savoir si les tensons appartiennent à des auteurs différents, cf. Diez, Poesie der Troubadours, p. 165. Pour les sujets des tensons cf. ibid., p. 169. Voici quelques autres exemples : quel est l’homme le plus amoureux, celui qui ne peut résister au désir de parler constamment de la dame qu’il aime ou celui qui y pense en silence ? Un amoureux qui est heureux dans son amour doit-il préférer être l’amant ou le mari de sa dame ?