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Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/70

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aurait une origine différente de la plupart des autres.

Une question importante se pose à propos de la tenson. Une tenson a-t-elle pour auteurs les deux personnages qui sont mis en scène ? Ou n’avons-nous affaire ici qu’à une fiction et le même poète exposait-il tour à tour ses propres idées et celles de son interlocuteur ? Il semble bien qu’il faille admettre dans beaucoup de cas deux auteurs différents. Mais le contraire dut avoir lieu aussi, comme le prouve l’habitude de composer des tensons avec des personnages imaginaires[1]. Les sujets des tensons sont très variés. On y discute les questions les plus étranges, quelquefois les plus grossières, souvent les plus élevées. D’une manière générale la discussion porte sur un point de casuistique amoureuse. Il y avait là des thèmes sans nombre, où l’esprit subtil et délié des troubadours, affiné par la dialectique, se donnait libre carrière.

Voici quelques sujets de ces discussions poétiques. Qu’y a-t-il de plus grand, les joies ou les souffrances causées par l’amour ? De deux hommes, l’un a une femme très laide, l’autre une femme très belle ; tous deux les surveillent avec un très grand soin ; quel est celui des deux qui est le moins blâmable ? Une tenson à trois personnages porte sur les questions suivantes[2] un roi a le pouvoir : 1o d’obliger un riche avare à faire des libéralités ; 2o d’empêcher un seigneur libéral de distribuer des largesses ; 3o d’obliger à vivre dans le monde un homme qui s’est déjà

  1. Pour les tensons avec un personnage imaginaire, cf. Jeanroy, Origines…, p. 54, note 1 : on a des tensons du Moine de Montaudon avec Dieu, de Peirol avec Amour, de Raimon Déranger et Bertran Carbonel avec leur cheval ; de Larifranc Cigala avec son cœur et son savoir.
  2. Les deux tensons qui suivent sont de Guiraut Riquier.