Aller au contenu

Page:Anglas de Praviel - Scènes d’un naufrage ou La Méduse.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous aperçûmes derrière nous quatre de nos embarcations. M. Espiaux, malgré les cris de son équipage qui s’y opposait, baisse les voiles et met en travers pour les attendre. Ils ont refuse de prendre du monde, faisons mieux maintenant que nous sommes allégés, offrons de leur en prendre.

» Il leur fit, en effet, cette offre, dès qu’elle fut à la portée de la voix ; mais au lieu d’approcher franchement, elles se tinrent à distance.

» La plus légère des embarcations (c’était la yole), va de l’un à l’autre pour les consulter. Cette défiance venait de ce qu’elles pensaient que, par une ruse de guerre, nous avions caché tout notre monde sous les bancs, pour nous élancer ensuite sur les hommes quand ils seraient assez près, et telle était cette défiance, qu’ils prirent le parti de nous fuir comme des ennemis.

» Ils craignaient tout notre équipage, qu’ils croyaient révolté ; cependant nous ne mettions d’autres conditions, en recevant du monde, que de prendre de l’eau.

» La soif continuait à se faire sentir ; quant au biscuit, nous n’en manquions pas.

» Plus d’une heure s’était écoulée depuis cet incident, la mer devint grosse, la yole ne put tenir. Elle arriva enfin vers nous.

» Mon camarade Chasteluz était un des quinze hommes qu’elle renfermait. Nous songeons d’abord à son salut. Il s’élance sur notre