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Page:Anglas de Praviel - Scènes d’un naufrage ou La Méduse.djvu/76

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chaloupe, je le retiens par le bras et l’empêche de tomber à la mer. Nous nous serrâmes la main, quel langage !

» La chaleur fut très-forte pendant la journée du 6. Nous étions réduits à une ration d’un verre d’eau sale ou puante. Encore si nous on avions eu avec abondance ! Pour tromper notre soif, nous mettions un morceau de plomb dans la bouche ; c’était un triste expédient !

» La nuit vint encore : elle fut la plus terrible de toutes ; le clair de lune nous faisait apercevoir une mer furieuse.

» Des lames longues et creuses menacèrent vingt lois de nous faire, disparaître. Le timonier ne pouvait croire que nous pussions échapper à toutes celles qui arrivaient.

» Si nous en avions embarqué une seule, notre fin était venue ; le timonier mettait le gouvernail en travers, et la chaloupe faisait capot.

» Ne valait-il pas mieux disparaître d’un seul coup que de mourir lentement ?

» Vers le matin la lune étant couchée, excédé de besoin, de fatigue et de sommeil, je cède à mon accablement, et je m’endors malgré les vagues prêtes à nous engloutir.

» Les Alpes et leurs sites pittoresques se présentent à ma pensée. Je jouis de la fraîcheur de l’ombrage ; je renouvelle les moments