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Préface.

avant l’expédition du grand empereur en Espagne. Mais pourquoi, en ce cas, toutes les versions postérieures auraient-elles adopté une chronologie différente ? Pourquoi y trouve-t-on des allusions à la mort de Roland ?[1] On n’aperçoit pas la nécessité de ce changement. On comprend très bien, au contraire, qu’un imitateur étranger ait introduit Ganelon, de son chef, dans le poëme de Huon de Bordeaux, comme le type le plus achevé et le plus connu du traître, sans se douter peut-être de la bévue qu’il commettait, ou sans craindre qu’elle lui fût reprochée dans un pays où l’histoire légendaire de Charlemagne n’était pas aussi connue qu’en France.

Le poëte néerlandais avait probablement sous les yeux un modèle qu’il se dispensait de suivre dans les détails, parce qu’il désirait l’embellir au gré de son imagination, comme semble le prouver l’invention du breuvage magique mis en usage contre Huon. Pense-t-on qu’un tel moyen soit plus primitif que la lutte à main armée, et ne faudrait-il pas qu’il offrît ce caractère pour qu’on le pût croire emprunté à une version plus ancienne que la nôtre. Si, au contraire, cette modification semble indiquer une sorte de raffinement, on la jugera plutôt postérieure. Il faut bien remarquer la date que M. Jonckbloet et M. Wolf assignent au poëme néerlandais dont il s’agit : il a été composé à la fin du XIVe ou au commencement du XVe siècle, époque à laquelle il existait au moins deux rédactions du poëme français, celle qu’on va lire, et

  1. Voyez, par exemple, ci-après, p. 171.