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Page:Anonyme - Macaire, chanson de geste.djvu/83

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Préface.

contemporains. L’un d’eux, le moine de Trois-Fontaines, déjà cité, déclare cette chanson fort belle, pulcherrimam ! et c’est au point de vue littéraire qu’elle lui apparaît ainsi ; car, en sa qualité d’historien, il n’en est guère satisfait : il y trouve bien des faussetés. À cet égard, je n’éprouve aucun embarras à me ranger de son avis ; mais sur le premier point, j’ai peine à prendre parti pour ou contre lui.

Me mettre de son côté, c’est me compromettre aux yeux de ces sévères historiens de la littérature qui se demandent gravement et à priori si le beau a pu exister au moyen âge.

Ne point partager son sentiment, c’est entreprendre de prouver que ce qui a plu n’a pas dû plaire. J’en ai le droit, je le sais ; j’entends même répéter chaque jour que ce droit, celui de la critique, est imprescriptible. Mais pourquoi critiquer cette vieille chanson ? Pourquoi me montrer plus difficile que ceux qui, pendant des centaines d’années, l’ont écoutée ou lue avec plaisir ? Outre que je me sens un grand fonds d’indulgence pour ce trouvère inconnu auquel je me suis comme associé, dont je suis presque devenu le collaborateur, j’ai peur de m’armer contre lui de certains principes ignorés de son temps, de certaines règles qu’on ne connaissait point. Ma tâche serait simple si j’avais réussi, comme tels experts en littérature, à me faire du beau un type idéal et à y rapporter tout. Ils procèdent à leur aise, à peu près comme ces vérificateurs des poids et mesures, qui, munis de leur étalon, n’acceptent que les litres ou les mètres qui s’y ajustent. Le malheur est que l’étalon me man-