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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/147

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LE POÈTE ASSASSINÉ

première sage-femme

Je songe à la guerre.

Ô mes amies, les étoiles, les belles étoiles, les avez-vous comptées ?

Ô mes amies, vous souvenez-vous seulement des titres de tous les livres que vous avez lus et du nom des auteurs ?

Ô mes amies, avez-vous songé aux pauvres hommes qui firent les grandes routes ?

Les pâtres de l’âge d’or laissaient paître leurs troupeaux sans craindre l’abigeat, ils ne redoutaient que les fauves.

Ô mes amies, que pensez-vous de tous ces canons ?

deuxième sage-femme

Ce que je pense de ces canons ? Ce sont de vigoureux priapes.

Ô mes belles nuits ! Je suis heureuse d’une corneille sinistre qui m’enchanta hier soir, c’est de bon augure. Mes cheveux sont parfumés à l’abelmosch.

Ô ! les beaux et raides priapes que sont ces canons. Si les femmes avaient dû faire le service militaire, elles auraient servi dans l’artillerie. La vue des canons doit être étrange pendant la bataille.