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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/230

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LE POÈTE ASSASSINÉ

n’entrent que de la fougère, de l’or et des grenats. Des pièces d’argenterie superbes brillaient sur la blancheur de la nappe semée de violettes.

Les moines arrivèrent deux par deux, capuchon sur la tête, bras croisés sur la poitrine. En entrant, ils saluèrent Croniamantal et se placèrent selon leur habitude. À mesure qu’ils arrivaient, le père Karel disait à Croniamantal leur nom et leur pays d’origine. La tablée fut bientôt complète et les convives étaient au nombre de cinquante-six, Croniamantal compris. L’abbé, un Italien aux yeux bridés, dit le bénédicité, et le repas commença, mais Croniamantal attendait avec anxiété l’arrivée de Tristouse.

On servit d’abord un potage au bouillon dans lequel nageaient de petites cervelles d’oiseaux et des petits pois…

« Nos deux hôtes français viennent de partir, dit un moine français qui avait été le prieur du Crépontois. Je n’ai pu les retenir : le compagnon de mon neveu chantait tout à l’heure au jardin, de sa jolie voix de soprano. Il a manqué s’évanouir en entendant quelqu’un chanter, dans ce couvent, la suite de la chanson. C’est en vain que mon neveu supplia son gracieux camarade de rester ici ; ils