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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/301

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GIOVANNI MORONI

petit os de mort et un aimant. Il recommanda à ma mère de ne point oublier de donner à manger chaque semaine à l’aimant un peu de mie de pain trempée dans du vin et de ne pas manquer alors de retirer les déjections de l’aimant.

« Une autre fois le moine avait préparé un triangle de bois sur lequel étaient fichées de petites chandelles. Il fit ses recommandations à ma mère qui, le soir, lorsque mon père fut sorti pour prendre l’air, alluma les chandelles et porta le triangle aux latrines en prononçant d’étranges paroles qui m’effrayaient. Lorsqu’elle l’eut jeté dans la fosse, il en sortit une grande fumée et nous nous sauvâmes aussi épouvantés l’un que l’autre.

« La dernière fois que nous allâmes chez ce moine, il donna à ma mère un morceau de miroir en disant :

« — Ceci est un morceau de miroir dans lequel s’est miré Torlonia, l’homme le plus riche de l’Italie. Et sachez que lorsqu’on se mire on devient comme la personne à qui appartient le miroir. Ainsi, si je vous avais donné un miroir de prostituée, vous deviendriez comme elle, impudique.

« Ses yeux brillaient et regardaient ardemment ma mère, qui détourna la tête en prenant le miroir.