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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/308

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GIOVANNI MORONI

interrompus par des poteaux télégraphiques défilaient sous mes yeux. Les portées formées par les fils télégraphiques s’abaissaient, puis remontaient brusquement pour mon étonnement. Le train faisait une musique de fer massif qui me berçait : bourouboum boum boum, bourouboum boum boum. Je me rendormis et me réveillai lorsque le train s’arrêta. Je frottai mes yeux. Mon père me dit doucement :

« — Giovannino, regarde.

« Je regardai et vis derrière la gare une tour penchée.

« C’était Pise. J’en fus émerveillé et élevai Maldino afin qu’il vît cette tour qui était sur le point de tomber. Lorsque le train fut de nouveau en marche, je pris la main de mon père et lui demandai :

« — Où est maman ?

« — Elle est à la maison, dit mon père, tu lui écriras quand tu sauras écrire et tu reviendras quand tu seras grand.

« — Mais, ce soir, ne la reverrai-je plus ?

« — Non, répondit mon père avec tristesse, ce soir, tu ne la verras point.

« Je me mis à pleurer et à le battre en criant :

« — Méchant menteur.