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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/340

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LA FIANCÉE POSTHUME

Mme Muscade m’a tout dit. Vous avez désolé le cœur de cette femme exquise. Vous désolez mon âme, monsieur, et vous comprenez vous-même qu’après ce qui s’est passé il n’est plus possible que vous entriez dans ma maison. Voyez, la grille est close et c’est fini : jamais plus vous ne passerez dans mon jardin. Vous le pensiez un jardin de délices défendues, monsieur, et cette pensée vous en a chassé. Vous ne voudriez pas rentrer dans cette maison calme où vous avez contristé cette femme qui vous aimait déjà, je le sais, comme une mère aime son fils. Hélas ! j’aurais voulu vous voir dans ma maison longtemps encore, mais, vous le sentez, vous en êtes persuadé, c’est impossible, c’est fini. Cette nuit vous trouverez à vous loger dans un hôtel et vous me ferez dire où vous êtes descendu. Je vous enverrai votre bagage. Adieu, monsieur. Venez, Madame Muscade, la nuit tombe. Adieu, Monsieur, soyez heureux, adieu ! »