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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/371

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LES SOUVENIRS BAVARDS

à balai. Il y a un mois encore, vous tombiez en extase pendant que je chantais ma romance et c’est bien l’amour qui vous poussait à cela, car je n’ai pas la voix très juste.

— J’ai fini par m’en apercevoir, mademoiselle Criquette. En outre, vous ne m’aimez pas. Vous vous jouez de moi par coquetterie.

— Ainsi, vous avez oublié la promesse de mariage que vous me fîtes et cette maison de campagne dans un village au bord de la Loire où nous devions passer notre lune de miel ?

— Mademoiselle Criquette, j’ai décidé que si je me mariais, je me retirerais dans le Maine, mais le Maine des États-Unis d’Amérique.

— Et puis vous avez raison, allez, monsieur Chislam, car je ne vous aurais pas épousé avec votre bobine, votre bobine, votre bobine !…

Suivaient d’autres répliques, et en m’habillant je pensais : « Cette Française a un drôle d’accent. Elle a dû séjourner longtemps en Californie… Dieu ! quelle prédilection elle marque pour le mot de bobine et que ce Chislam est inconstant ! Mais ce boarding house, en somme, est une pension peu recommandable. »