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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/372

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LES SOUVENIRS BAVARDS

Le jour qui suivit, je fus brusquement éveillé comme je l’avais été la veille. Cette fois, la conversation s’échangeait en Italien et toujours avec le déplorable accent des Yankees de l’Ouest.

— Belle Locatelli, cédez à mon amour. Marions-nous ! Nous renoncerons aux voyages et irons cacher notre bonheur dans une villa que j’achèterai en Californie, à San-Diégo. Je veux une vue sur la baie qui est admirable et nous cultiverons des orangers.

— C’est impossible, signor Chislam, je suis fiancée à un de mes compatriotes qui est officier à Bologne. Il n’a que sa solde et nous attendons, pour nous marier, que j’aie réuni la dot réglementaire.

— Ainsi, adieu, signorina Locatelli ; un pauvre pitre comme moi n’espère point l’emporter dans votre cœur sur un brillant officier. Adieu, signorina. Et pour que vous soyez heureuse le plus tôt possible, permettez-moi de compléter la dot dont vous me parlez.

Je pensai :

« Ce singulier Lovelace est un brave homme ; toutefois, sa manie du mariage quotidien est fort