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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/427

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détacher entièrement de la France n’est pas encore arrivé ; vous avez nui à mes projets ; vous m’obligerez peut-être à un sacrifice qui fera saigner mon cœur, mais que commandera l’intérêt de tous. — Toussaint lui ordonna de garderies arrêts sur cette habitation. Il fit ensuite consulter l’opinion des colons blancs. Ceux-ci lui conseillèrent de sacrifier Moïse à la France ; ce serait donner à Bonaparte une haute idée de son attachement à la mère-patrie, s’il n’hésitait pas à faire périr un général influent, son neveu, qui avait pris les armes contre la métropole. Il pensa lui-même que ce sacrifice détournerait de sa tête la colère du Premier Consul, que sa constitution devait infailliblement exciter. Il n’hésita plus à accuser hautement le général Moïse d’avoir été le chef de l’insurrection [1]. »

Si M. Madiou représente incessamment Moïse comme ayant des vues bornées, sans intelligence, sans perspicacité, il faut convenir que dans cette circonstance il fait jouer un singulier et triste rôle à T. Louverture, dont la capacité ne peut être contestée. Nous concevons que les colons aient saisi l’occasion pour accourir de toutes parts auprès du gouverneur ou pour lui écrire de sacrifier Moïse ; mais avec la haute opinion que nous avons des facultés intellectuelles de cet homme, dont nous avons étudié le caractère énergique, résolu, porté au despotisme le plus violent quand on contrariait ses idées, ses vues, nous ne pouvons concevoir qu’il ait eu même la pensée de faire consulter les colons. N’avait-il pas en ce moment auprès de lui, en Dessalines et Christophe, deux conseillers intéressés à le pousser dans les voies extrêmes contre Moïse, si toutefois il avait besoin de conseil ?

  1. Histoire d’Haïti, t. 2 p. 121 et 122.