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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/456

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de pistolet au cœur[1] ! Sa famille, ses serviteurs, quelques officiers restés encore au palais, se précipitèrent dans sa chambre : ils le trouvèrent renversé sur son lit, baigné de sang.

Enfin, le Tyran n’était plus ! Il s’était fait justice à lui-même ; il avait vengé la société de sa propre main !

La certitude acquise de ce fait n’était propre qu’à occasionner la plus grande confusion, le désordre le plus complet dans le palais de Sans-Souci. Les chefs du Cap avaient tracé un exemple en permettant le pillage de celui de cette ville, des châteaux royaux situés dans les campagnes, de tous les établissemens appartenant à la couronne, soit à leur profit, soit à celui des troupes et de la multitude : les nombreux serviteurs, la population de Sans-Souci et le peu de soldats qui y étaient encore, commencèrent immédiatement le sac de cette riche demeure royale ; c’était à qui en emporterait le plus, de toutes les choses précieuses rassemblées à grands frais dans ce palais.

Tandis que ce pillage s’accomplissait dans le tumulte le plus violent, Madame Christophe, en femme dévouée, en épouse fidèle à son mari, aidée de ses deux filles non moins attachées à la mémoire de leur père, toutes trois pleines de courage, ne songèrent qu’à donner la sépulture à son cadavre, pour le soustraire aux mutilations, aux fureurs d’une multitude effrénée. Pour remplir ce pieux devoir, il leur fallait néanmoins l’assistance d’of-

  1. On a prétendu que quelque temps auparavant, il avait demandé au docteur Stewart, Écossais qui dirigeait une école de médecine et de chirurgie au Cap, quelle était la partie du corps où un homme résolu à se suicider avec un pistolet devait plutôt frapper pour mourir instantanément ; et que Stewart lui avait répondu : « Au cœur. » Si cette anecdote est vraie, c’est que Christophe ne se faisait plus illusion sur le terme de sa tyrannie.