Aller au contenu

Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/457

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ficiers capables d’inspirer assez d’estime et de respect par leurs qualités personnelles, afin d’être écoutés de ceux dont on avait besoin. En cette circonstance difficile, elles ne virent à leurs côtés que le général Dupuy et le colonel Prézeau, les deux seuls hommes qui réunissaient ces conditions, parce que leur conduite à la cour de Christophe les avait toujours distingués entre tous les autres officiers : ces derniers s’étaient empressés d’aller faire leur soumission au Cap. Sensibles au malheur de ces femmes qui avaient pour eux la même estime que leur accordait Christophe, Dupuy et Prézeau réussirent, à force d’argent néanmoins, à persuader quelques soldats de porter le cadavre à la citadelle Henry pour l’y enterrer : on le mit dans un hamac. Dans la nuit même, Madame Christophe et ses demoiselles, escortées de leurs deux fidèles amis, marchant tous à pied, s’y rendirent avec les restes du Roi qui avait mis tout son orgueil à construire cette forteresse.

Ce fut avec peine et une précipitation extrême, qu’ils purent foire admettre et placer le cadavre dans la partie appelée le Cavalier de la citadelle, située au sud, en le recouvrant d’un peu de terre. Car, à la vue de ces restes d’un homme qui leur avait fait tant de mal, qui avait fait périr tant de victimes dans la construction de la forteresse, la garnison, les nombreux ouvriers, les cultivateurs et les cultivatrices, servant de manouvriers pour les travaux, les prisonniers délivrés de leurs chaînes, tous s’ameutèrent et voulurent jeter le cadavre dans la profonde ravine où Christophe lui-même avait fait précipiter tant d’innocens. Dupuy et Prézeau seuls pouvaient apaiser cette effervescence si naturelle : ils s’empressèrent de soustraire leurs vertueuses protégées aux insultes