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Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/231

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pour n’être pas persuadé de l’existence de Dieu ; il ne la croyait pourtant pas. Il me fit présent d’un manuscrit français fort beau, intitulé : Doutes sur la Religion dont on cherche l’éclaircissement de bonne foi. Je l’ai perdu dans un voyage, que j’ai fait en Italie.

Dans le temps que je m’appliquais à la philosophie, Çlairac avait travaillé à s’emparer du cœur d’une jeune personne. Il m’en parlait incessamment comme de la meilleure fortune du monde. C’était la fille d’un chirurgien français établi depuis peu à Constantinople. Elle venait souvent avec sa mère au palais, rendre des visites à M. d’Andresel, et je m’apercevais que son excellence ne la regardait pas avec des yeux indifférens. J’en avertis Clairac, qui me traita de visionnaire. Le temps me justifia bientôt, et découvrit d’autres choses que je n’eusse jamais soupçonnées.

Le maître d’hôtel de l’ambassadeur pria un jour à souper madame Varin et sa fille, c’était le nom de celle qu’aimait Clairac. Le souper devait se faire dans la maison du maître d’hôtel, et l’ambassadeur devait s’y trouver seul. Je ne sais comment Clairac en eut connaissance ; mais il me raconta la chose en homme piqué. Je lui proposai de nous mettre de la partie, sans