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Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/254

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tageux, il se maria. Je fus si outrée de son procédé, que le mépris que m’inspira son caractère me consola de la perte que j’avais faite. »

Je savais que ce qu’elle me disait était vrai ; ainsi je ne trouvais rien là-dedans qui pût alarmer ma délicatesse. Si l’amour m’eut permis de faire quelque réflexion, j’aurais dû penser que l’engagement que je formais pourrait me mener trop loin. L’exemple de Sylvie devait m’instruire des malheurs qu’entraînent les grandes passions ; mais je n’étais plus capable de raisonner. L’attachement que j’avais eu pour la Besaudin était trop violent pour pouvoir le rompre ; et, loin de songer à me guérir, je ne pensais qu’à me faire aimer davantage et à obtenir des faveurs que je regardais comme le prix et le but de l’amour.

J’avais deux difficultés à vaincre, la sagesse de ma maîtresse, et la présence de sa mère qui ne la quittait point ; je fus bientôt défait pour long-temps d’un de ces embarras. Sa mère eut une maladie que lui causa la fatigue de son procès ; elle fut près de quarante jours entre la vie et la mort ; je pris autant de soin d’elle, pendant le cours de sa maladie, qu’un fils l’eut pu faire ; je passais une partie de la