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Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/255

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nuit dans sa chambre ; lui donnais moi-même ses remèdes et ses bouillons ; j’étais regardé comme un ami de la maison ; ainsi personne ne prenait garde à ma conduite ; je voyais ma maîtresse tant que je voulais, je passais le jour et la nuit avec elle, je l’encourageais sur la santé de sa mère, je lui faisais espérer que sa maladie ne serait pas mortelle ; je n’oubliais pas dans tous ces discours de répandre autant de tendresse que je le pouvais.

Mademoiselle Besaudin m’aimait ; elle était jeune ; elle me croyait honnête homme et discret. Nous étions des nuits entières tête à tête, ou avec un seul domestique : l’occasion était périlleuse : j’attaquais perpétuellement ; elle se défendit pendant un temps : à la fin elle succomba.

Dieux ! que je découvris de beautés et d’appas dans ce moment ! De toutes les femmes que j’ai aimées, c’est celle en qui j’ai vu le plus de charmes.

Sa mère, commençant à recouvrer sa santé, elle fut plus de six semaines sans sortir du lit : que ce temps est court pour un amant et pour un amant heureux ! Lorsqu’elle fut entièrement remise, je fus beaucoup plus gêné ; mais comme, lorsque les premiers pas sont faits,