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Page:Aristote - Psychologie, trad Barthélemy Saint-Hilaire, 1847.djvu/25

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XXI
PRÉFACE

bien la pensée de Descartes ; si la mémoire des choses matérielles, suivant lui, est autre chose que « cette mémoire qui, pour le joueur de luth, est en partie dans ses mains, » je dirai que la distinction établie par Aristote entre la mémoire et la réminiscence me semble plus considérable que celle de Descartes. L’âme ne change pas elle-même, parce que la faculté de mémoire dont elle est douée s’applique à un objet intellectuel, au lieu de s’appliquer à un objet sensible. Dans l’un et l’autre cas, l’état de l’esprit reste le même. Le sujet seul qui agit sur lui et qu’il conçoit est autre. Ainsi la différence posée par Descartes, toute vraie qu’elle est, n’est qu’extérieure à l’esprit. Celle d’Aristote, au contraire, tient à ce qu’il y a de plus profond dans l’âme. La réminiscence se distingue de la mémoire par l’intervention de la volonté, faculté suprême qui fait l’homme tout entier, et qui occupe la place souveraine dans la psychologie tout aussi bien que dans la morale. Aristote est donc allé plus loin que Descartes ; sa vue a été à la fois plus perçante et plus juste ; et c’est là un bien magnifique éloge pour qui sait tout ce que vaut le génie psychologique de Descartes, pour qui a tenté de le suivre dans ses délicates et fermes analyses.