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Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v3.djvu/108

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yeux, mon frère blessé. Il nous faut une vengeance, il nous faut la vie de ce misérable. Si nous devons recevoir la mort sans la donner, nous ne nous battrons plus ! Je briserai mon fusil ! Oui, nous voulons bien mourir, nous voulons bien ne pas compter notre sang, mais il nous faut la punition des scélérats, il nous faut la vengeance !

Tout cela était dit avec une sorte d’éloquence farouche, avec un accent d’énergie et de douleur que rien ne peut rendre. De grosses larmes qu’il n’essuyait pas, mais qu’il rejetait plutôt d’un mouvement brusque avec le dos de sa main, comme s’il était honteux de sa faiblesse, coulaient le long de ses joues pâles creusées par la fatigué, pendant que le feu de la passion brûlait dans ses yeux et que tout son corps tremblait sous le choc d’une tempête intérieure. — A certains moments, en parlant de son frère assassiné la veille, sa voix s’arrêtait dans sa gorge desséchée, puis repartait tout à coup avec des éclats stridents.

Cela était poignant.

Tous nous comprenions ce qu’il éprouvait, et nous gardions le silence, ne sachant que répondre à cette douleur vraie, à cette passion sur laquelle on sentait que la raison serait sans prise, — Ses compagnons, l’air sombre et résolu, l’approuvaient par quelques exclamations ou monosyllabes menaçants.

Delescluze n’hésita pas. Il essaya d’arracher à la mort ce gendarme prisonnier. Il parla, lui aussi, avec passion, avec éloquence, disant à ces hommes :

— N’imitons pas nos ennemis, n’égorgeons pas des prisonniers désarmés ! Ne vous faites