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Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v3.djvu/46

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La table rase la plus complète qu’on ait jamais vue !

Tout ce qui constitue le Gouvernement bourgeois, depuis 1789, avait disparu.

Comme les émigrants qu’on dépose au milieu des plaines de l’Ouest, aux Etats-Unis, le peuple de Paris se trouvait SEUL en face d’un monde à créer.

Les institutions s’étaient englouties avec les hommes. Une société à refaire de la base au faîte. On se serait cru au premier jour de l’histoire !

Il y avait une différence pourtant, c’est que l’émigrant se trouve en face d’une nature vierge, à laquelle il ne peut arracher ses richesses que par le travail, tandis qu’à Paris le peuple vainqueur se trouvait en face des richesses accumulées du vieux monde, de ce monde qui le traite en paria, l’affame et l’exploite depuis des siècles, richesses qui représentent le total de ses souffrances, superflu qui raconte ses privations, œuvre de ses mains qui forge son esclavage, or des heureux qui est le sang des déshérités.

On pouvait supposer que ce peuple allait se ruer à l’assaut de ces trésors, comme un héritier pauvre que l’avarice et la dureté de ses parents ont longtemps réduit au plus affreux dénuement, et que leur mort met enfin en possession du bien-être, de la fortune.

Erreur ! le peuple demanda, en échange du service militaire qui l’arrachait à tous ses travaux, qu’on lui continuât les trente sous qu’il touchait à l’époque du siége. Il demanda qu’on lui fournit, quand il irait au feu, le morceau de viande salée, le pain de munition et le verre de vin que touche le soldat en campagne. Il demanda qu’on l’af-