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Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v3.djvu/73

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C’était le peuple qui venait dire aux combattants de Juillet 1830 :

— Voilà vos fils ! Ils ont combattu, ils sont morts comme vous, pour assurer un meilleur sort à leurs enfants. Maintenant ils viennent vous rejoindre, ils sont dignes de vous !

Alors la longue file s’engageait dans la rue de la Roquette, à travers le faubourg Antoine.

Je me rappelle encore le premier de ces enterrements dans le quatrième arrondissement.

C’était un dimanche. Un soleil éblouissant inondait la ville de cette lumière printanière si douce et qui donne envie de vivre. La foule endimanchée animait les rues, remplissait les promenades, se portant surtout vers les Champs-Elysées, De la terrasse des Tuileries, de la place de la Concorde, on entendait le bruit distinct de la bataille, on voyait le ciel bleu et riant coupé de nuages de fumée. C’étaient les obus, les boîtes à mitraille, qui éclataient. La nature était en fête, l’air embaumé de la senteur des premières feuilles. Une population immense où les femmes dominaient, en toilette de printemps, — jeunesse et grâce, promesse de joie et de long avenir, — se mêlaient aux buissons en fleurs, couvrait les pelouses vertes, jusqu’à la hauteur du Palais de l’Industrie.

Au-delà une ligne noire coupait les Champs-Elysées. C’était le cordon des gardes nationaux, annonçant que là commençait le domaine de la mort et du combat sans merci, que tout près des milliers d’hommes, de Français, s’égorgaient avec une fureur sombre, parce qu’il s’était trouvé en France une ville qui avait bondi sous le talon de Thiers, un peuple qui, n’ayant pu sauver la patrie, avait voulu sauver la Révolution, et