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Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v3.djvu/72

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leurs regards. Ils savaient ce que cela coûtait, et ils ne reculaient pas.

Rien de plus beau, d’ailleurs, de plus simple et de plus éloquent que la mise en scène.

Pour tous, le même corbillard noir, sans autre décoration qu’un faisceau de drapeaux rouges, avec un long crêpe aux quatre coins de la voiture. En tête les tambours, voilés d’un crêpe également, faisant entendre à intervalles réguliers un roulement funèbre. Derrière, la musique de la Légion jouant des marches, dont quelques-unes composées par les chefs de musique étaient réellement admirables d’expression, mélange de larmes et de résolution stoïque. Après, les corbillards à la file, quelquefois au nombre de vingt ou trente. Quand la moisson était trop forte, les morts trop nombreux, de plus grandes voitures contenaient jusqu’à quatre ou six bières empilées l’une sur l’autre. Sur les côtés, un rang de gardes nationaux appartenant à la compagnie, le fusil renversé, le canon en bas. A la suite des corbillards, la veuve, les orphelins, les parents, puis les membres de la Commune appartenant à l’arrondissement, ou des représentants des municipalités, les officiers de tous grades qui n’étaient point de service aux avant-postes. Les amis, les députations ouvrières, une compagnie en armes, fermaient la marche.

Ce long cortége défilait lentement au milieu de la foule recueillie, et qui ne devint jamais indifférente, quoique ce spectacle se renouvelât tous les jours, et plusieurs fois par jour, dans tous les quartiers. La plupart de ces enterrements avaient lieu au Père-Lachaise. On passait donc sur la place de la Bastille. Le cortège faisait le tour de la colonne de la Liberté. Tout le monde se découvrait, les tambours battaient aux champs.