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PENSÉE FRANÇAISE

ainsi concilier leur anticléricalisme avec l’idée française, Laurier, lui, cherche ses dieux parmi les pères du libéralisme anglais, tels que Fox, Bright et Cobden ; en sorte qu’il est moins anticlérical, mais aussi, moins français. Il acquiert à cette époque une culture anglaise qui se traduira toute sa vie dans ses actes, dans sa tournure d’esprit, dans son apparence extérieure, dans son accent, jusque dans ses gestes.

De 1873 à 1878, il fait partie du ministère Mackenzie, formé d’éléments dits « libéraux », mais qui en réalité bornera son action à se cramponner le plus longtemps possible au pouvoir durant la crise économique qui sévit alors dans le monde entier, qui affecte profondément le Canada, et à la faveur de laquelle sir John-A. Macdonald, renversé en 1873 dans la lie d’un pot-de-vin, se remettra en selle en 1878 pour y rester sans interruption jusqu’en 1891, et son parti jusqu’en 1896. À ce moment il ne représente rien pour le Canada anglais, et il n’est pour le Canada français, ou plutôt le groupe français du parti libéral, qu’une immense espérance. Mais il jouera ses cartes avec une habileté consommée.

L’exercice, même passager, du pouvoir, respectabilise aux yeux du bourgeois conservateur les partis politiques les plus mal famés, et dans le Québec, à cette époque, il n’y a que des bourgeois conservateurs. Par cela seul, Laurier profite de sa participation au ministère Mackenzie.

Vers la même époque, il tend la branche d’olivier à l’épiscopat dans un discours célèbre où il se réclame uniquement du libéralisme anglais par opposition au libéralisme proprement européen, qu’il répudie. Avec le concours de quelques ecclésiastiques il obtient du Saint-Siège l’envoi d’un délégué, Mgr Conroy, lequel, après enquête, permet aux catholiques l’adhésion au parti libéral canadien.