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Page:Asselin - Pensée française, pages choisies, 1937.djvu/22

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PENSÉE FRANÇAISE

lementaire ? Quelles preuves a-t-il données de ses capacités ? Ce n’est pas un orateur : le hhaï ! dont il fait précéder ses périodes est celui d’un homme à qui on écrase ses cors. Ce n’est pas non plus un meneur d’hommes ; au parlement on dit que c’est un bon garçon, « a nice fellow », mais combien de « nice fellows » ne faut-il pas pour faire un chef de parti ? Élu pour la première fois en 1896, il a partagé avec M. Monk la bonne fortune de dénicher une affaire véreuse, c’est là le secret de sa promotion ; et comme pour consacrer définitivement le principe que chez les conservateurs il faut avoir déniché quelque chose pour aspirer à une chèfrerie, ses collègues se sont empressés de lui conjoindre le député de Jacques-Cartier. Voilà donc le parti conservateur reconstitué avec, pour base, la Vitaline et la machine électorale de Huron-Ouest. Avec MM. Hope et Casgrain pour lieutenants, il ne manque plus qu’une armée à M. Monk ; en attendant qu’elle lui arrive, les conservateurs ontariens, qui ont le nombre de leur côté, parlent de se donner eux aussi un chef. Des chefs, il en pleut : bientôt tout le monde sera général.

Le discours de M. Laurier avait réuni à la Chambre, à part la troupe des anglomanes accoutumés à applaudir les lieux communs du premier ministre, bon nombre de gens attirés par sa réputation d’orateur. À le lire dans les journaux, on serait tenté de s’imaginer que M. Laurier a eu des sanglots dans la voix, des attitudes tragiques, des gestes à fendre l’âme. Erreur profonde : souriant comme toujours, le premier ministre avait l’air d’un homme qui vient de perdre sa belle-mère ; il a parlé, parlé, parlé sur un ton déclamatoire qui aurait gâté l’effet du plus beau discours. Il a découvert des pleurs et des gémissements chez les Indous, que la domination britannique ruine ; chez les peuples sud-africains, que la tyrannie anglaise écrase ; chez les tribus barbares de l’Asie et de