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tion, combien a-t-elle coûté de veilles et d’essais ! Vous connaissez l’anecdote de ce financier qui disait à un peintre : « Quoi ! dix louis pour un arbre fait en deux heures ! — Non Monsieur, répondit celui-ci, mais dix louis prix de dix ans qu’il m’a fallu pour apprendre à le faire en deux heures. »

— Et comment vous y prenez-vous pour les vers qui, réputés chefs-d’œuvre, sont dans la mémoire de tous les spectateurs ?

— Ceux-là je les respecte ; et si, comme il arrive parfois, ils m’offrent des consonnances un peu rudes, ne pouvant les faire disparaître, je les dissimule de mon mieux, soit par la rapidité du débit, soit en appelant toute l’attention sur le vers qui précède ou qui suit. Au reste, il est peu de nos poëtes dont les vers soient tous sacrés. C’est un privilège que Racine ne partage avec personne. Bien loin de là, Voltaire, à l’exception de trois ou quatre tragédies, est coupable d’un bon nombre de vers auxquels on peut toucher sans craindre de les rendre plus défectueux.