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Page:Audibert Histoire et roman 1834.djvu/336

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Quand le laboureur eut expiré, le chartreux le regarda quelque temps ; puis, avec un de ces sourires, langage des âmes fortes, il s’écria : « Voilà donc la mort ! Va, tu ne mérites pas qu’on te craigne. »

Quelques jours après il était, suivant sa coutume, assis sur sa pierre, où il méditait. La cloche ayant sonné sans qu’il l’entendît, on vint le chercher ; mais cette fois on le conduisit, non dans sa cellule, mais à l’église, où son corps fut étendu sur le pavé, au pied de la croix, les mains jointes comme s’il priait. Sa belle physionomie conservait dans le sommeil du linceul une éloquence muette. Le prieur fit à l’instant partir un courrier, sans qu’on ait pu jamais savoir pour quelle destination. À la nouvelle de cet événement, on afflua des campagnes pour venir consulter le marbre de la tombe, mais le marbre n’apprit rien. Il était silencieux comme le cadavre, le cadavre de cet homme qui parmi les vivans garda le silence des morts.

On n’a pu cependant étouffer toute cette destinée : au lieu du bruit qu’elle devait faire dans le monde, elle n’a laissé, il est vrai,