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semblée était saisie de cette émotion qui précède un événement : c’en était un en effet. On entendit des paroles nouvelles prononcées d’une voix inconnue aux voûtes d’une église. Il ne cherchait ni à séduire, ni à convaincre. Il commandait ; une armée aurait été plus familiarisée avec de tels accens qu’un cloître paisible où le discours a coutume de ressembler à une prière ; quand il eut fini, ses yeux disaient : « Un moment j’ai pris ma place ; j’ai vu au-dessous de moi la foule tremblante : vous le savez maintenant, j’étais né pour marcher sur le front des peuples. » On devine que la renommée du jeune chartreux s’en accrut. On accourait de très-loin le dimanche à la messe de Bonpas, dans l’espérance de le voir.

Une nuit on vint l’appeler de la part d’un laboureur qui, à son heure suprême, implorait la bénédiction du jeune chartreux, de cet être qu’il croyait surnaturel, parce qu’il ne le comprenait pas. Le chartreux se rendit près du mourant. Il pria, il lui dit à l’oreille des paroles qu’on n’entendit point, mais qui portaient avec elles le courage.