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Page:Augagneur, Erreurs et brutalités coloniales, Éditions Montaigne, 1927.djvu/161

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En voyant certains agents, chargés de civiliser les noirs, une caricature de Cham s’imposait souvent à ma mémoire :

Deux sous-officiers de cavalerie sortent du rapport :

L’un : « Te voilà chargé d’apprendre l’orthographe aux bleus, que vas-tu faire ? Tu ne sais ni lire, ni écrire ».
L’autre : « Cela ne fait rien, je suis commandé, je leur apprendrai l’orthographe ».

Combien de professeurs de civilisation, aux colonies, valent ce pédagogue par ordre ! Ils n’ont jamais réfléchi à ce que nous, blancs, éprouverions si, quelque jour, une armée de noirs africains envahissait notre pays et prétendait nous imposer ses coutumes et ses lois !

Trop de coloniaux ont voulu jouer les Idoménée et organiser l’existence des indigènes en faisant table rase de leurs habitudes, de leurs coutumes primitives — barbares, c’est entendu, mais qui existent et auxquelles ils sont attachés d’autant plus qu’elles sont en harmonie avec leurs goûts, leurs besoins, leurs passions.

J’ai vu à Madagascar l’œuvre d’un officier féru d’organisation rationnelle. Il avait choisi pour édifier une ville, un plateau salubre, mais complètement dépourvu d’habitants. Ces habitants, il les avait obligés à venir de loin, pour construire d’abord, puis habiter la ville modèle. Les chefs, taxés d’après le nombre de bœufs de leur village, avaient fourni les matériaux et la main-d’œuvre nécessaires à l’exécution du plan.

Ce plan comprenait une place centrale, vaste, de