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Page:Augagneur, Erreurs et brutalités coloniales, Éditions Montaigne, 1927.djvu/167

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Les jours de grand kabarys, de cérémonies accompagnant la naissance, la mort de quelqu’un des siens, le propriétaire des bœufs en immolait un certain nombre, en proportion tant de la gravité de l’événement que de sa fortune ; c’était une occasion de ripailles pour toute une tribu. Sur le seul tombeau d’un chef Antanosy, j’ai compté quatre cents paires de cornes, vestige des hécatombes provoquées par ses obsèques.

L’impôt sur les bœufs était une charge dont les indigènes s’acquittaient en vendant quelques animaux, mais cette réduction de leur troupeau les blessait dans leur amour-propre, les diminuait dans la considération publique, allait contre leurs goûts et leurs coutumes.

Enfin, dans tout le pays bara, le désarmement avait causé une profonde irritation. Le Bara, guerrier, tenait à son vieux fusil à pierre, outil qui garantissait son indépendance et lui facilitait de mauvais coups contre ses voisins : il ne se résigna jamais à rendre ses armes[1], et tout comme la perception des impôts, le désarmement donna lieu à des abus criants commis par les agents de l’administration.

L’indigène n’est point accoutumé au travail. Il passe sa vie dans une inaction presque complète, dont il ne sort que de temps à autre, pour un temps court consacré à la chasse, à la pêche, à quelques cultures. Le climat n’exige pas une alimentation abondante, le sol fournit spontanément des fruits, la température dispense de l’usage de vêtements chauds et d’habitations solides.

  1. L’adjudant de Béon, commandant le poste de Ranotrara, écrivait à propos du désarmement de ses justiciables : « Le Bara tient plus à son fusil qu’à sa femme et ses enfants. »