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Page:Augier - Théatre complet, tome 7.djvu/148

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Chateauvieux.

Un seul mot : « Présent ! »

Jean, avec une colère sourde.

Eh bien, c’est fort simple, je la changerai… Absent ! absent de tout ! de la patrie comme de la famille, comme de l’amour, comme de l’honneur ! Ce n’est plus une devise qu’il me faut, c’est une enseigne : « Roblot et Thommeray, au beurre de Bretagne ! » (Éclatant.) Tombe donc, ville maudite, qui as fait de moi ce que je suis ! Te défende qui voudra ! Moi, j’ouvrirais plutôt tes portes à l’ennemi ! Qu’il t’écrase, qu’il te rase, tant mieux ! Je n’ai qu’un regret en partant, c’est de ne pas assister à ta chute, de ne pas voir tes ruines s’entasser sur les miennes ! (On ontend le biniou dans le lointain. Jean s’arrête comme frappé de stupeur et prête l’oreille.) Les Bretons !…

Chateauvieux.

Les Bretons ?

Jean.

Oui… ceux de chez nous.

Chateauvieux, regardant vers la rue Bonaparte.

Ceux de chez toi ! La colonne s’avance sous un rayon de lune ; connais-tu ce vieillard et ces deux jeunes gens qui marchent en tête ?

Jean, regardant à son tour, avec un grand cri.

Mon père ! mes deux frères !

Chateauvieux.

Ton père ! — Eh bien, qu’en dis-tu ? Crois-tu à la famille maintenant ? crois-tu au devoir et à l’honneur ? crois-tu à la patrie ? — Chapeau bas ! La voilà devant toi !