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Page:Augier - Théatre complet, tome 7.djvu/89

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La Comtesse.

Au jeu ?

Jean.

À la Bourse. Je fais des affaires, mais je les fais en galant homme, soyez-en sûre. Je ne m’expose pas à perdre ce que je ne pourrais payer ; je joue mon argent et non mon honneur.

La Comtesse.

Je ne t’ai jamais fait l’injure d’en douter ; mais ne sens-tu pas que cela même n’est digne ni de toi ni de nous ? Si ta conscience était aussi tranquille que tu veux le croire, pourquoi nous aurais-tu fait un mystère de la vie que tu mènes ?

Jean.

Vous voyez bien que j’avais raison, puisque, au premier avis, vous accourez tous deux éperdus comme pour me sauver de l’abîme. Qu’ai-je fait pourtant qui justifie cet effarement ? Je vis des idées de mon époque, comme vous avez vécu des idées de la vôtre ; voilà mon crime. Si vous consultiez le carnet de mon agent de change, vous m’y verriez en nombreuse et bonne compagnie. Le temps n’est plus des patrimoines lentement accrus et transmis religieusement ; on n’amasse plus la fortune…

La Comtesse.

On la ramasse !

Jean.

Pas dans la boue, croyez-le bien. Je ne suis pas tombé si bas que vous l’imaginez.

La Comtesse.

Soit ! mais tu tombes de si haut !