Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vous viviez dans la paix catholique. Pourquoi ouvrez-vous les oreilles à la parole des hommes, vous répétant ce qu’ils n’ont jamais pu prouver, et pourquoi êtes-vous sourds à la parole de Dieu qui dit : « Le Seigneur m’a dit : Vous êtes mon Fils, je vous ai engendré aujourd’hui : demandez-moi et je vous donnerai les nations en héritage, et j’étendrai votre possession jusqu’aux extrémités de la terre[1] ? Les promesses de Dieu ont été faites à Abraham et à sa race. L’Écriture ne dit pas : à ceux de sa race, comme si elle en eût voulu marquer plusieurs, mais à sa race, c’est-à-dire à l’un de sa race qui est Jésus-Christ[2]. Toutes les nations, dit-il, seront bénies dans votre race[3]. » Levez les yeux du cœur, considérez toute l’étendue de la terre, et voyez comme toutes les nations sont bénies dans la race d’Abraham. Un seul alors crut ce qui ne se voyait pas encore ; maintenant vous voyez, et vous ne voulez pas voir. La passion du Seigneur est le prix de toute la terre ; il a racheté tout l’univers ; et vous ne vous accordez pas avec le monde entier pour votre bien ; mais vous vous mettez à part et vous disputez contre tous pour tout perdre. Voyez dans le psaume à quel prix nous avons été rachetés : « Ils ont percé mes pieds et mes mains, ils ont compté tous mes os ; ils m’ont considéré et regardé en cet état ; ils ont partagé entre eux mes vêtements, et ont jeté ma robe au sort[4]. » Pourquoi partager la robe du. Seigneur et ne pas conserver intacte avec le monde entier cette tunique de la charité tissue d’en-haut et qui ne fut pas divisée même par les bourreaux du divin Maître ? On lit dans le même psaume que tout l’univers la possède : « La terre, dans toute son étendue, se souviendra du Seigneur et se convertira à lui ; et toutes les familles des nations seront dans l’adoration en sa présente, parce que la souveraineté lui appartient et qu’il régnera sur les peuples[5]. » Ouvrez les oreilles du cœur, et apprenez que « le Seigneur, le Dieu des dieux, a parlé, et qu’il a appelé la terre depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher : c’est de Sion que vient tout l’éclat de sa beauté[6]. » Si vous ne voulez pas la parole du prophète, écoutez l’Évangile ; c’est le Seigneur lui-même qui parle par sa propre bouche et qui dit : « Il fallait que s’accomplissent en la personne du Christ toutes les choses écrites sur lui dans la loi, les prophètes et les psaumes, et que la pénitence et la rémission des péchés fussent prêchées en son nom au milieu de toutes les nations, en commençant par Jérusalem[7]. » Ce qu’il a dit dans le psaume : « Il a appelé la terre depuis le lever du soleil jusqu’à son couchant, » il l’a dit dans l’Évangile par ces mots : « Au milieu de toutes les nations ; » et ce qu’il a dit dans le psaume : « C’est de Sion que vient tout l’éclat de sa beauté, » il l’a dit dans l’Évangile par cette parole : « En commençant par Jérusalem. »

2. Vous avez imaginé de vous séparer de l’ivraie avant le temps de la moisson, parce que c’est vous seuls qui êtes l’ivraie ; car si vous étiez le froment, vous supporteriez l’ivraie, et vous ne vous sépareriez pas de la moisson du Christ. Il a été dit de l’ivraie : « Parce que l’iniquité abondera, la charité de plusieurs se refroidira. » Mais il a dit du froment : « Celui qui aura persévéré jusqu’à la fin sera sauvé[8]. » Pourquoi pensez-vous que l’ivraie se soit accrue et ait rempli le monde, et que le froment ait diminué et soit resté dans l’Afrique seule ? Vous vous dites chrétiens, et vous n’êtes pas d’accord avec le Christ. C’est lui qui a fait entendre cette parole : « Laissez l’un et l’autre croître jusqu’à la moisson ; » il n’a pas dit que l’ivraie dût croître et le froment diminuer. « Le champ est le monde, a-t-il dit et non pas le champ est l’Afrique. Le Christ a dit encore que la moisson est la fin des temps, » et non point le temps, de Donat ; que « les moissonneurs sont les anges[9], » et non point les chefs des circoncellions. Mais, parce que vous accusez le froment à cause du mélange de l’ivraie, vous montrez que vous êtes l’ivraie, et, ce qui est plus grave, vous vous séparez du froment avant le temps. Quelques-uns de vos ancêtres, dont vous maintenez le schisme sacrilège, livrèrent aux persécuteurs, d’après les actes publics des villes, les Écritures saintes et les titres de l’Église ; malgré l’aveu de leur crime, ils ne furent point poursuivis par quelques autres de vos pères, qui les reçurent dans leur communion, et, s’étant tous réunis à Carthage en faction furieuse, ils condamnèrent, sans les entendre, des hommes qu’ils accusaient de ce même crime sur lequel ils s’étaient mis d’accord entre eux : ils ordonnèrent évêque contre évêque, et élevèrent

  1. Ps. II, 7 et 8
  2. Gal. III, 16
  3. Gen. XXII, 18
  4. Ps. XXI, 18, 19
  5. Ibid. 29 et 30
  6. Ps. XLIX, 1, 2
  7. Luc, XXIV, 44, 47
  8. Matth. XXIV, 12-13
  9. Matth. XIII, 30, 38,39.